22/06/2016

Modification des exonérations d'IS et de retenue à la source dans le cadre du régime des sociétés mères et filiales - Nouvelle clause anti-abus


La loi de finances rectificative pour 2015 a mis en conformité le régime mère-fille avec le droit de l'Union Européenne. Ce régime permet l'exonération d'IS sur les dividendes reçus d'une filiale détenue à au moins 5% pendant deux ans ou plus, sauf pour une quote part de frais de charges égale à 5% des produits perçus qui reste imposable. Le même régime permet aussi l'exonération de la retenue à la source en cas de distribution à des sociétés mères situées dans l'Union Européenne lorsque la filiale est détenue à au moins 10%.

Les aménagements concernent les dividendes reçus et les dividendes versés, ils s'appliquent à compter des exercices clos le 31/12/2015, à l'exception de la clause anti-abus qui s'applique à compter du 1er janvier 2016.

1/ Dividendes reçus


- Les titres de participation détenus en nue-propriété sont pris en compte pour l'appréciation du taux de détention de 5% obligatoire pour bénéficier du régime mère-fille.
- Le taux de détention minimal est abaissé de 5% à 2,5% pour les sociétés mères contrôlées par un ou des organismes à but non lucratif, la durée minimale de détention étant portée dans ce cas de 2 ans à 5 ans.
- Les dividendes reçus de filiales établies dans des Etats ou territoires non coopératifs (ETNC) peuvent bénéficier du régime mère-fille, s'il est démontré que la participation a une raison d'être économique et n'a pas un objectif de fraude fiscale.
- Clause anti-abus : les produits de participation distribués dans le cadre d'un montage, allant à l'encontre de l'objet du régime fiscal mère-fille et non basé sur une réalité économique réelle, ne permettent pas l'exonération d'IS.
- Les dividendes reçus de certaines sociétés exonérées d'IS ne bénéficient pas du régime mère-fille. Ce n'est pas l'adaptation du droit européen, mais le rétablissement de la liste des sociétés visées suite à la censure par le Conseil Constitutionnel de l'article 72 de la loi de finance rectificative pour 2014.

1/ Dividendes versés


- L'exonération de retenue à la source est étendu aux sociétés mères établies dans les pays de l'Espace économique européen (28 pays de l'Union européenne + 3 pays : Islande, Norvège et Liechtenstein.
- L'exonération de retenue à la source pour les distributions de bénéfices réalisés en France par des sociétés européennes, est étendue aux sociétés de l'Espace économique européen.
- Les titres de participation détenus en nue-propriété sont pris en compte pour l'appréciation du taux de détention de 10%.
- Légalisation de la doctrine selon laquelle une distribution de dividende par une société à une société mère européenne qui la détient à hauteur de 5% à 10% bénéficie de l'exonération de retenue à la source, à la condition que la société mère ne puisse imputer cette retenue à la source.
- Clause anti-abus : exclusions du régime d'exonération selon les mêmes modalités que dans le cas des dividendes reçus.


Clause anti-abus

Cette clause vise à exclure du régime de faveur certains montages et concerne les exonérations des dividendes reçus (article 145 du CGI) ainsi que les exonérations de retenue à la source des dividendes versés (article 119 ter du CGI). Elle a été introduite par transposition de directives européennes qui s'imposent aux états membres de l'UE (directive 2011/96/UE du 30/11/2011 2015/121/UE du 27/01/2015).

Selon l'article 119 ter n°3 qui donne des précisions sur la clause anti-abus, le régime fiscal des sociétés mères n'est pas applicable aux "dividendes distribués dans le cadre d'un montage ou d'une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d'objectif principal ou au titre d'un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l'encontre de l'objet ou de la finalité [du régime mère-fille], n'est pas authentique compte tenu de l'ensemble des faits et circonstances pertinents.
Un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties. (...) Un montage ou une série de montages est considéré comme non authentique dans la mesure où ce montage ou cette série de montages n'est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent la réalité économique."

L'application de la clause anti-abus est fondée sur la présence simultanée de deux conditions :
- le but du ou des montages est principalement fiscal et va à "l’encontre de l’objectif poursuivi par le régime des sociétés mères",
- et il n'a pas de justification économique, il n'est pas authentique.

Un montage peut avoir plusieurs objectifs. Ce qui détermine l'abus, c'est la prépondérance du motif fiscal. Cette prépondérance peut être démontrée en examinant les gains apportés par le montage : si les gains ne provenant pas des avantages fiscaux (gains économiques) sont accessoires dans l'ensemble du montage, alors la clause anti-abus s'applique.

La justification économique est comprise au sens large, et couvre une activité commerciale, financière, patrimoniale ou de mise en place d'une structure organisationnelle.

La clause anti-abus est distincte de la procédure de d'abus de droit qui existe depuis longtemps. Selon une décision du Conseil constitutionnel, la clause anti-abus "constitue une condition supplémentaire d'application du bénéfice du régime des sociétés mères et filiales ne modifiant pas les dispositions de l'article 64 du LPF" (abus de droit).
L'administration peut donc dans un premier temps contester le bénéfice du régime mère-fille sur la base de la clause anti-abus, puis dans un deuxième temps appliquer les pénalités spécifiques de l'abus de droit si les conditions de celui-ci sont réunies.

La procédure d'abus de droit s'applique à tous les impôts, mais avec des conditions plus restreintes que la clause anti-abus : hors les cas peu fréquents d'opérations fictives, l'abus de droit suppose que le motif d'un montage ou d'un acte soit uniquement de diminuer des charges fiscales par rapport à celles qui résulteraient de l'activité économique réelle ou normale.

La clause anti-abus de la directive européenne sur les sociétés mères et filiales est une clause "de minimis", c'est à dire qu'elle a pour but de garantir un socle de règlementation minimum commun à tous les états membre. Les états qui ont déjà des lois plus strictes que la clause européenne anti-abus peuvent continuer à les appliquer - la conformité des législations nationales à cette directive restant obligatoire.

BOFIP du 07/06/2016, BOI-IS-BASE-10-10-10-10-20160607
Loi n° 2015-1786 de finances rectificative pour 2015 du 29/12/2015
Article 145 et Article 119 ter CGI
Décision N° 2015-726 DC du Conseil constitutionnel du 29/12/2015
Directive (UE) 2015/121 du Conseil du 27/01/2015

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