14/12/2016

Stratégies pour créer et développer une société sans financement bancaire ni levée de fond


Les financements bancaires ne sont pas faciles à obtenir pour les PME et TPE, c'est un fait peu contestable. L'autre possibilité pour se procurer des fonds, à savoir l'appel à des investisseurs professionnels, business angels ou fonds de capital risque/développement (venture capital) paraît bien souvent hors d'atteinte pour la majorité des sociétés. De plus les levées de fonds ont des inconvénients : temps que l'entrepreneur y consacre et qui n'est pas utilisé pour le développement de sa société à un moment où elle en a le plus besoin, intervention directe des investisseurs dans la gestion en cas de résultats décevants par rapport aux prévisions, ce qui aboutit à l'adoption d'une stratégie qui n'est pas forcément celle qu'aurait préféré l'entrepreneur et au final à la perte de contrôle de la société par son fondateur.
Dans ce contexte, différentes stratégies sont à envisager pour se passer de financements externes : s'appuyer sur ses propres ressources pour démarrer, ou mettre en place une gestion ou un modèle d'affaires qui réduisent au maximum les capitaux nécessaires à l'entreprise.

1/ Démarrer avec ses propres ressources (bootstrapping)

Le bootstrapping est une technique qui consiste à créer et développer une entreprise avec un minimum de moyens financiers. Une définition du bootstrapping a pu être ainsi formulée : cela consiste à éviter de recourir aux financements extérieurs, et, pour ce faire, éliminer tout ce qui n'est pas essentiel, se concentrer sur les entrées de cash, et ne conserver que l'indispensable pour la survie de sa société jusqu'à ce qu'elle devienne autosuffisante puis rentable.

On peut dresser la liste suivante, non limitative, d'actions conseillées pour le bootstrapping :

- Réduire ses besoins
- Travailler à domicile, louer éventuellement des locaux à la journée pour recevoir des clients
- Garder un emploi tout en lançant sa société, ou effectuer en parallèle des missions de service ou de conseil rémunérées
- Estimer ses dépenses à l'avance, établir un budget de lancement / business plan
- Connaitre son secteur, utiliser ses propres compétences
- Eviter d'embaucher, ou rester en sous-effectif
- Utiliser des moyens gratuits : infrastructure d'autres sociétés, réseaux, communauté, organismes consulaires, ressources disponibles sur internet, conseils et formations gratuits
- Recourir au troc, par exemple fournir du conseil ou du développement internet, en contrepartie d'une mise à disposition de locaux, ou de réductions sur des frais de promotions, de voyages...
- Ne pas dépenser pour des frais de publicité, utiliser les réseaux sociaux, le référencement internet
- Attendre d'avoir un premier client avant de se lancer, ou vendre le plus tôt possible, même si le produit n'est pas tout à fait finalisé
- Se faire payer le plus en avance possible, surveiller sa trésorerie
- Obtenir des financements par d'autres sources que les banques et les investisseurs professionnels (voir ci-après les sources possibles de financements alternatifs)

2/ Choisir de préférence certains types d'activités ou secteurs économiques

Certaines activités ne nécessitent que peu d'investissement de départ, et peu de trésorerie de fonctionnement.

Les activités de services en général demandent surtout du temps, ainsi que des compétences, mais avec dans certains cas la contrainte d'une règlementation professionnelle :
- Prestations intellectuelles et artistiques
- Conseil, formation, freelance, coach
- Professions libérales
- Services à la personne
- Services web : création de sites internet, référencement, marketing

Les activités liées à la vente :
- Agent commercial, intermédiaire
- Les boutiques en ligne
- Voyages, immobilier (en ligne)

Autres activités possibles :
- Les activité artisanales, lorsque le matériel de départ n'est pas trop coûteux
- Les produits numériques (livres, blogs, formations...)

3/ Trouver des sources alternatives de financement

Comme alternative aux financements des banques et des investisseurs professionnels, on peut citer en premier lieu les apports personnels de l'entrepreneur ou de son entourage : famille, amis, love money... Ces sources de fonds ne sont pas toujours suffisantes ou disponibles. De plus, certains entrepreneurs, pour différentes raisons, préfèrent ne pas y recourir.

Le crowdfunding, ou financement participatif, connaît un succès grandissant auprès des start-ups qui recherchent des capitaux. Les fonds obtenus par ce moyen le sont souvent de façon assez rapide, et pour des montants significatifs. Les campagnes de crowdfunding ont aussi pour avantage de faire connaître la société et son offre auprès du public, et éventuellement auprès d'investisseurs plus professionnels. Mais il y a toujours le risque de rencontrer un échec, et les demandeurs de financement doivent prévoir un investissement en temps important : préparation de la présentation, relations avec les investisseurs tout au long de la campagne et après.

Les aides et les concours constituent une autre source possible de financement. Il existe de nombreuses aides pour les entreprises, certains sites les répertorient (par exemple l'Observatoire des Aides aux Entreprises ou les-aides.fr ou encore le moteur de recherche des aides des CCI). Après avoir déterminé à quelle(s) aide(s) il peut prétendre, l'entrepreneur risque d'avoir à fournir du temps et de l'énergie pour remplir des dossiers de demande, et obtenir les aides visées. La participation à des concours implique aussi des efforts, avec un résultat aléatoire. C'est un choix d'opportunité, sachant que le temps ainsi dépensé aurait peut-être été plus utilement consacré au développement de la société : recherche de clients, analyse des marchés, étude des produits, mise en place de la production, de l'organisation ou de l'équipe.

Les financements peuvent venir des fournisseurs de la société. Un fournisseur important décide quelquefois d'aider un entrepreneur ou une start-up s'il y voit un intérêt stratégique. La nouvelle règlementation des prêts inter-entreprises a pris en compte ce fait en assouplissant le monopole bancaire, et en autorisant les prêts occasionnels d'une durée de moins de deux ans entre des partenaires commerciaux.
La vente de produits à partir de stocks en consignation, constitue aussi une forme de financement par un fournisseur. Il ne sera payé qu'après la réalisation de la vente au client final.

De la même façon que les fournisseurs, certains clients sont susceptibles d'apporter un soutien, financier ou autre, à une société s'ils estiment que les services ou les produits qu'elle leur fournis sont particulièrement intéressants ou novateurs. Le soutient d'un client est plus facilement acquis si les relations que l'entrepreneur a avec ce client sont anciennes et bien établies.
Il est arrivé qu'une société ayant un client principal pour lequel elle a réalisé des produits ou des développements "sur mesure", puisse par la suite profiter de cette expérience pour concevoir, pour son propre compte, un produit dérivé de ces travaux mais plus standardisé, produit qu'elle a ensuite commercialisé sur le marché. La phase de développement de la société a ainsi été financée en grande partie par son client initial qui lui permis de se lancer.

4/ Réduire son besoin en fonds de roulement

En dehors des coûts de création : formalités, investissements de départ en matériel, locaux ou recrutement, les besoins de trésorerie auxquels une société doit faire face sont essentiellement ceux qui résultent des besoins de l'exploitation courante : stocks, créances et dettes d'exploitation, c'est à dire le besoin en fonds de roulement (BFR). Le BFR augmente en principe avec la croissance des ventes et de la taille de la société. L'objectif est alors de réduire autant que possible la trésorerie immobilisée dans le BFR, pour ne pas avoir à rechercher des financements externes.

Les délais de paiement accordés aux clients sont cruciaux : obtenir un raccourcissement de ces délais est primordial pour la trésorerie. Il est possible de demander des acomptes, ou même un paiement d'avance à certains clients. C'est une pratique fréquente dans certains secteurs, par exemple dans les prestations de services. Les escomptes éventuellement accordés pour des paiements comptant ou rapides sont une stratégie possible. Le financement de l'encours client par du factoring est une autre une solution pour diminuer le BFR.
Les ventes de produits de consommation (activité de distributeur), souvent encaissées immédiatement, ou les ventes par abonnement qui sont encaissées d'avance, parfois par prélèvement automatique, sont un moyen de réduire le BFR, voire de le rendre négatif (BFR = source de financement).

A l'inverse des délais clients, les délais de paiement consentis par les fournisseurs sont à rallonger autant que faire se peut, bien entendu par négociation et dans le respect de la règlementation en vigueur sur les délais de paiement inter-entreprises. La technique des ventes en consignation, déjà évoquée, permet de ne payer les fournisseurs qu'après que le règlement des clients a été encaissé. On peut proposer à des fournisseurs un paiement par reverse-factoring : le fournisseur est payé immédiatement et une banque finance l'encours jusqu'à la date de paiement par la société.

5/ Choisir un modèle d'affaires compatible avec un besoin en fonds de roulement faible ou négatif

La meilleure source de financement reste le cash que les clients vous versent. Dans son livre "The Customer-Funded Business", l'auteur John Mullins a étudié en détail différentes catégories de modèles d'affaires qui se prêtent bien à un financement basé sur un besoin en fonds négatif.

Une première catégorie est caractérisée par l'exigence d'un paiement, au moins partiel, ou le versement d'un dépôt, avant que les prestations ou les travaux aient commencé. De telles pratiques se rencontrent par exemple chez les consultants ou les architectes, ou dans les sociétés de services en général. Des start-ups peuvent recourir à ce modèle, en demandant à leurs clients, par exemple, un paiement de 50 % à la commande, et le solde le plus rapidement possible.

La deuxième catégorie de modèle d'affaires à BFR négatif est celle des ventes par abonnement. Il peut s'agir de journaux (papier ou en ligne), de services en ligne (TV, Saas), de prestations ou bien de produits divers, de préférence des marchandises qui sont vite consommées ou périssables. La constitution d'une base de clients abonnés est une garantie d'un flux de trésorerie positif, relativement stable et prévisible.

Un troisième type d'entreprise est l'organisation de places de marché, où l'offre et la demande de biens ou de services peuvent se rencontrer. Ebay ou Airbnb en sont des exemples. La rémunération de l'organisateur est une commission ou un pourcentage sur les transactions, il a peu de besoins de trésorerie, les biens et services appartenant aux vendeurs. Il est assez facile de réaliser techniquement de tels sites avec un investissement limité, mais il est plus difficile d'attirer des vendeurs et des acheteurs en nombre suffisant et équilibré pour que les transactions se réalisent facilement et s'accroissent rapidement.

Un quatrième modèle d'affaires consiste à tirer parti d'un encaissement sur les ventes plus rapide que le paiement des fournisseurs. Cela peut être réalisé quand les produits en stock ont une rotation très rapide. C'est le cas dans la distribution traditionnelle, mais les magasins et boutiques représentent un investissement important avec des coûts de fonctionnement non négligeables. Les boutiques en ligne n'ont pas les mêmes coûts fixes, et peuvent dans certaines conditions bénéficier aussi d'une rotation rapide des marchandises, par exemple pour des ventes flash, ou des ventes de séries limitées de produits de marque.

Liens utiles :

Observatoire des Aides aux Entreprises
Les-aides.fr
Moteur de recherche des aides des CCI
John Mullins - The Customer-Funded Business: Start, Finance, or Grow Your Company with Your Customers' Cash

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