29/07/2016

Redevances versées pour la location de marques ou de brevets : comptabilisation en charges ou en immobilisations ?


Les redevances versées pour la location de marques ou de brevets sont-elles à comptabiliser en charges ou en immobilisations ? Les deux possibilités de traitement comptable sont admises, mais fiscalement les règles sont plus strictes. Le choix doit être déterminé en fonction d'une jurisprudence du Conseil d'Etat, que deux jugements récents sont venus confirmer.

Cette jurisprudence a pour base une décision du 21 août 1996, n°154488, et s'applique aux concessions de licences de marques, d'exploitation de brevets et de procédés de fabrication. Selon cette décision, les redevances versées pour ces concessions sont à immobiliser lorsque les droits concédés :


- constituent une source régulière de profits ;
- sont dotés d'une pérennité suffisante ;
- et sont susceptibles de faire l'objet d'une cession.

Si ces critères sont vérifiés, les redevances de concessions sont obligatoirement à inscrire à l'actif en immobilisations incorporelles. Dans les deux litiges récents, l'administration avait pratiqué un redressement fiscal portant sur la non déductibilité de redevances initialement passées en charges.

Dans la première décision n°375446 du 15 juin 2016, le Conseil d'Etat a donné raison à l'administration et au tribunal de Versailles. En appliquant sa jurisprudence, il a estimé que le contrat de licence constituait une source régulière de profit malgré l'absence d'une clause d'exclusivité, avait bien une pérennité suffisante malgré des recettes en diminution et la présence d'une clause de tacite reconduction, et pouvait être cédé par le concessionnaire bien que la cession ait été soumise à l'accord du concédant. En conséquence, les redevances versées devaient suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise.

Dans la deuxième décision n°368473 du 19 juillet 2016, le Conseil d'Etat a validé la position de la société redressée. Au cas présent, le tribunal de Bordeaux avait confirmé le redressement fiscal, sans chercher à vérifier si les droits concédés pouvaient faire l'objet d'une cession par la société concessionnaire, et "alors que la société soutenait qu'elle ne pouvait céder les droits qu'elle avait acquis". Le jugement de la cour d'appel de Bordeaux était donc entaché d'une erreur de droit.

On peut remarquer que dans ces deux cas jugés, le Conseil d'Etat agit comme une cour de cassation et vérifie que tous les critères établis par sa juriprudence pour déterminer le choix entre immobilisation ou charge, ont bien été pris en considération, mais ne remet pas forcément en cause l'appréciation circonstanciée de l'administration sur le respect ou non de chaque critère.

Amortissements
Les redevances immobilisées sont en principe amortissables, sur la durée de la concession ou du droit d'exclusivité. Mais s'il n'est pas possible de déterminer la durée prévisible pendant laquelle une marque ou un brevet sera une source de profit, il n'y a pas de possibilité d'amortissement. C'est ce qui a été rappelé dans la décision du CE du 15 juin 2016 : un droit de licence d'une marque concédé pour une durée de 20 ans renouvelable, sans autre précision, a été à juste titre considéré par l'administration comme non amortissable.

Conseil d'Etat 368473 du 19 juillet 2016
Conseil d'Etat 375446 du 15 juin 2016
Conseil d'Etat 154488 du 21 août 1996

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