15/09/2016

Amortissement exceptionnel des investissements dans le capital des PME innovantes



Les souscriptions au capital des PME innovantes peuvent être amorties linéairement sur 5 ans. Le nouveau régime s'applique aux sommes versées à compter du 3 septembre 2016 et pendant les 10 années suivantes. Le dispositif a été institué par la loi de finance rectificative pour 2013 en vue de favoriser le capital investissement d'entreprise. Comme il s'agit d'une aide d'Etat, la mesure a dû être aménagée pour tenir compte des observations de la Commission européenne. Le dispositif final a été adopté avec la loi de finance rectificative pour 2015, qui a modifié l'article 217 octies du Code général des impôts fixant les règles de l'amortissement exceptionnel, ainsi qu'avec un décret publié le 2 septembre au journal officiel.

Les souscriptions visées sont celles faites en numéraire, soit directement au capital des PME innovantes, soit par l'intermédiaire de fonds et de sociétés financières répondant à certaines conditions de pourcentage d'actifs placés dans des sociétés innovantes : FCPR (Fonds Communs de Placements à Risques), FPCI (Fonds Professionnels de Capital Investissement), SCR (Sociétés de Capital Risque) et sociétés de libre partenariat, ainsi que des fonds et sociétés établis dans l'UE ou dans des pays de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative de lutte contre la fraude.

Le principe de l'amortissement est simple à la base, mais en pratique sa mise en oeuvre et ses conséquences, selon qu'il y a cession ultérieure ou non de la participation, dépendent de paramètres assez nombreux. Le cas évoqué ici est celui d'un investissement direct dans les PME innovantes par les sociétés bénéficiant de l'amortissement exceptionnel (sans intermédiaire financier).

Conditions devant être vérifiées par les PME innovantes cibles, à la date de la souscription

- 1/ La PME innovante éligible doit avoir son siège dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales.
- 2/ Condition de taille : Effectif inférieur à 250 salariés et au moins une des deux conditions a/ et b/ suivantes : a/ chiffre d'affaires annuel de moins de 50 millions d'euros, b/ total du bilan inférieur à 43 millions d'euros.
- 3/ La PME innovante doit avoir effectué des dépenses de recherche, au sens du crédit d'impôt recherche, au moins égales à 10 % des charges d'exploitation au cours d'un des trois exercices précédant la souscription. Si la société innovante n'a pas encore clôturé d'exercice au moment de la souscription, les dépenses de recherches doivent être certifiées par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes.
A défaut des 10 % de dépenses de recherche, la société innovante doit "être capable de démontrer qu'elle développe ou développera dans un avenir prévisible des produits, services ou procédés neufs ou substantiellement améliorés par rapport à l'état de la technique dans le secteur considéré et qui présentent un risque d'échec technologique ou industriel. Cette appréciation est effectuée pour une période de trois ans par un organisme chargé de soutenir l'innovation et désigné par décret" (probablement BPI France).
- 4/ Les titres souscrits ne doivent pas être admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger. Si les titres de la PME innovante sont cotés sur un marché alternatif non réglementé comme Alternext, ils sont éligibles à l'amortissement.
- 5/ La PME innovante ne doit pas être une entreprise en difficulté, au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté. "Une entreprise est considérée en difficulté lorsqu’il est pratiquement certain qu’en l’absence d’intervention de l’État elle sera contrainte de renoncer à son activité à court ou à moyen terme". Sont concernées par cette exclusion :

. les sociétés faisant l'objet d'une procédure collective ;
. les sociétés de type SA, SAS, SARL ... dont les pertes cumulées excèdent la moitié du capital social souscrit ;
. les sociétés, dont certains associés ont une responsabilité illimitée, qui ont perdu plus de la moitié de leurs fonds propres.

- 6/ La PME doit "n'exercer son activité sur aucun marché", ou bien "exercer son activité sur un marché, quel qu'il soit, depuis moins de dix ans après sa première vente commerciale." Si l'entreprise a fait appel à l'organisme cité au 3/, celui-ci définit la date de sa première vente commerciale. A défaut, cette durée de dix ans est décomptée à compter de l’ouverture de l’exercice suivant celui au cours duquel le chiffre d’affaires de l’entreprise a dépassé pour la première fois 250 000 euros.
- 7/ La PME innovante ne peut pas recevoir plus de 15 millions d’euros au titre des souscriptions ouvrant droit au dispositif d’amortissement exceptionnel ou venant d'autres dispositifs d'aides, sur une période non limitée dans le temps, conformément aux lignes directrices sur les aides d'Etat et le financement des risques adoptées par la Commission européenne.


Conditions à respecter par l'investisseur

- 1/ La société souscriptrice doit être soumise à l'IS, quelle que soit sa taille.
- 2/ Les sommes faisant l'objet de l'amortissement sont celles versées pour la souscription en numéraire au capital de PME innovantes, et non les achats de titres préexistants sur un marché secondaire.
- 3/ Participation minoritaire : la société souscriptrice ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 20 % du capital ou des droits de vote de la PME innovante cible, tout au long de la période d'amortissement exceptionnel. Si des sociétés liées à la société souscriptrice détiennent des titres de la même PME, le seuil de 20 % s'apprécie en tenant compte des participations de l'ensemble des sociétés liées.
- 4/ Il doit s'agir d'un premier investissement dans la PME cible, ou bien d'un nouvel investissement dans la même PME, si lors de la ou des souscriptions précédentes, l'amortissement exceptionnel a déjà été appliqué. Si des titres de la PME ont déjà été acquis, sans être amortis, une nouvelle souscription ne peut bénéficier du régime d'amortissement exceptionnel.
- 5/ L'investissement ne doit représenter que 1 % du total de l'actif de la société qui investit, à la clôture de l'exercice au cours duquel a eu lieu chaque souscription. Le seuil s'apprécie en tenant compte de l'ensemble des souscriptions faisant l'objet d'un amortissement. Dans le cadre d'un groupe fiscalement intégré, l'investissement total fait par les sociétés du groupe doit représenter 1% de l'actif total du groupe, et peut donc dans certaines sociétés du groupe dépasser 1% de leur actif.


Conséquences de la cession des titres

1/ Cession avant le délai de deux ans. Selon l'article 217 octies du CGI, en cas de cession de tout ou partie des titres, des parts ou des actions ayant ouvert droit à l'amortissement exceptionnel dans les deux ans de leur acquisition ou en cas de non-respect des conditions prévues, le montant des amortissements pratiqués, majoré d'une somme égale au produit de ce montant par le taux de l'intérêt de retard de 0,40% par mois, est réintégré au bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel intervient la cession ou le non-respect d'une condition prévue.
La plus ou moins-value de cession des titres serait la même que celle qui aurait été constatée en l'absence de tout amortissement. Dans le cas d'une société qui bénéficie du taux d'IS réduit de 15 % dans la limite d'un plafond de bénéfice de 38 120 euros, la réintégration des amortissements devrait entrer dans la base imposée au taux de 15 % puis 33 1/3 %, et venir annuler l'économie d'impôt faite avec les amortissements déjà passés. Le coût final de l'opération dans tous les cas serait celui des intérêts de retard.

2/ Cession après le délai de deux ans. La plus ou moins value de cession des titres se calcule à partir de la valeur comptable des titres, amortissements déduits. Les amortissements pratiqués à la date de cession sont eux à reprendre au résultat, dans la limite de la plus value (selon l'interprétation que l'on peut faire du texte de loi), et deviennent imposables, au taux normal de l'IS selon l'article du CGI précité.
Lorsqu'il y a une moins value de cession, les amortissements ne sont pas repris au résultat fiscal, et l'économie d'impôt qui a pu être réalisée reste acquise en totalité.
Le texte exact de l'article 217 octies du CGI est : "Lorsque les titres, les parts ou les actions ayant ouvert droit à l'amortissement exceptionnel prévu au I sont cédés après le délai mentionné au V, la plus-value de cession est imposée au taux normal de l'impôt sur les sociétés prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219, à hauteur du montant de l'amortissement pratiqué. Cette plus-value s'entend de l'excédent du prix de cession des titres, parts ou actions sur leur valeur d'origine diminuée des amortissements déduits en application du I et non encore rapportés au jour de la cession."

Exemple : une société investit 100 dans une PME innovante et cède les titres ainsi acquis après une période de trois ans, les amortissements ayant été pratiqués s'élevant à 60.

. prix de cession : 120, plus-value : 120 - (100 - 60) = 80, impôt : [60 x 33 1/3 % (=imposition amortissements repris)] + [20 x 12 % x taux IS (=imposition +V long terme)]
. prix de cession : 100, plus-value : 100 - (100 - 60) = 60, impôt : [60 x 33 1/3 % (=imposition amortissements repris)]
. prix de cession : 70, plus-value : 70 - (100 - 60) = 30, impôt : [30 x 33 1/3 % (=imposition amortissements repris)]
. prix de cession : 20, moins-value : 20 - (100 - 60) = (20), impôt : 0

On peut remarquer que le taux d'imposition des amortissements réintégrés, prévu expressément par la loi actuelle, est de 33 1/3%. Une société qui aurait bénéficié d'une économie d'IS au taux de 15% au titre des amortissements exceptionnels, et qui devrait par la suite les réintégrer, ferait une perte finale sur l'option d'amortissement des titres égale à : 18 1/3 % x montant des amortissements réintégrés (18 1/3 = 33 1/3 - 15 ).


Article 217 octies du CGI
Code monétaire et financier - Article L214-30
Décret n° 2016-1187 du 31 août 2016

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